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Face à Israël, le double visage de la Turquie

Depuis le début de l’intervention militaire israélienne dans la bande de Gaza, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a revêtu son uniforme favori, celui du champion de la cause palestinienne et de la rue arabe. Après avoir retenu ses coups dans les tout premiers jours qui ont suivi l’attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre, appelant à la fin des « actions agressives », il n’a eu de cesse de condamner, dans les semaines suivantes, les « attaques barbares » de l’Etat hébreu, qualifiant Benyamin Nétanyahou de « boucher de Gaza » ou encore de « génocidaire ». Soutien historique du Hamas, dont il est proche et qu’il considère comme une « organisation de libération », l’homme fort d’Ankara a pleinement choisi son camp, galvanisant sa base islamo-nationaliste tout en tentant de conforter une majorité de l’opinion publique très sensible à la question palestinienne.
Seulement voilà, une petite voix est venue contrarier ce discours officiel. Depuis près de deux mois, Metin Cihan, 44 ans, journaliste indépendant et exilé depuis 2020 à Berlin, recense jour après jour, sur son compte X, les navires qui transitent des ports turcs vers Israël. Un travail de fourmi consistant à amasser les données des activités navales, en accès libre sur les sites maritimes et de libre-échange, mais qui jette aujourd’hui une lumière crue sur les liens commerciaux étroits que continuent d’entretenir les deux pays, parfois même jusqu’au sommet de l’Etat.
« Les autorités turques ont beau qualifier publiquement Israël d’“Etat terroriste” et accuser les Occidentaux de “double standard”, ils n’ont absolument rien changé à leurs affaires, avance le journaliste. Les flux de marchandises, comme l’acier et le pétrole, qui alimentent pourtant la machine de guerre de Tel-Aviv, se poursuivent comme si de rien n’était, mettant en évidence l’hypocrisie et le double discours des dirigeants. »
Depuis le déclenchement des frappes, Metin Cihan a répertorié un total de 450 navires partis de Turquie vers Israël. Avec l’aide de la base de données du site Marinetraffic.com, il pointe les expéditions quotidiennes de Limak Holding, un géant industriel connu pour être lié aux cercles du pouvoir, depuis le port d’Iskenderun. Celles aussi, régulières, partant du port stambouliote Ambarli Akçansa, de l’important Sabanci Group. Sur le chantier naval de Sefine, installé au bord de la mer de Marmara et propriété de Kolin Holding, proche du gouvernement, s’effectue, selon les recherches du journaliste, la maintenance du pétrolier chargé d’acheminer le carburant aux avions de chasse israéliens.
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